Dans un contexte où les signalements de corruption explosent en France, la Cour des comptes a publié un rapport alarmant soulignant l’urgence de renforcer le traitement pénal. Ce constat s'inscrit dans une évaluation de la lutte anticorruption menée ces dix dernières années.
Selon le rapport de la Cour, les faits de corruption connus ont cru de manière exponentielle ces dernières années, avec 191 000 cas signalés dans le milieu professionnel en 2022. Bien que l’activité policière en matière de corruption ait augmenté de 51 % entre 2016 et 2024, le nombre de condamnations reste remarquablement stable, oscillant entre 300 et 400 par an. Une différence inquiétante qui remet en question l’efficacité des mesures mises en place.
Les conclusions rapportent également que la majorité des infractions constatées en 2024 concernent la corruption (35 %), la prise illégale d’intérêts (21 %) et le détournement de fonds publics (18 %). Malgré cette croissance des signalements, peu de sanctions voient le jour, ce qui soulève des doutes sur la volonté réelle d’en découdre avec ce fléau. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a déclaré lors d’une conférence de presse que "la France dispose aujourd'hui d'outils puissants, mais souffre d'un déficit de stratégie assumée".
Le rapport met également en lumière des zones géographiques particulièrement touchées, telles que les départements ultramarins, la Corse, ainsi qu’Occitanie et Paris. Dans ces régions, la corruption ne fait pas de distinction entre la taille des communes, touchant aussi bien les grandes que les petites villes.
Une des recommandations majeures de la Cour est le renforcement de la professionnalisation du traitement pénal des atteintes à la probité. Actuellement, plus de la moitié des dossiers transmis aux parquets échouent à engendrer des poursuites, et les délais de traitement demeurent excessivement longs, atteignant 6,1 ans en première instance.
Les experts soulignent que l’institutionnalisation de l'Agence française anticorruption (AFA) pourrait constituer une réponse efficace à ce problème. Les perspectives d'une fusion entre l'AFA et d'autres organismes anticorruption ou l'établissement d'un comité interministériel ont également été évoquées, visant à clarifier le paysage institutionnel tout en consolidant les efforts entrepris.
En réponse aux critiques, le ministre de la Justice a indiqué qu'une augmentation des condamnations pour corruption avait été observée depuis 2020, avec un nombre record de 407 condamnations prononcées en 2024. Cependant, ce chiffre semble dérisoire face à l’ampleur du phénomène, faisant naître des interrogations sur la capacité de l'État à mettre en œuvre des réformes substantielles pour endiguer la corruption.
Cette situation interpelle plusieurs acteurs de la société, notamment des ONG comme Transparency International, qui militent pour une transparence accrue dans la gestion publique, tout en plaidant pour une justice plus rapide et efficace en matière de corruption.
La vigilance des médias et de l’opinion publique sera décisive pour inciter le gouvernement à engager des réformes significatives et ainsi restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions.







