Un récent rapport des organisations Stop et Contre-Feu met en lumière le lobbying intensif exercé par l'industrie du tabac au sein des institutions européennes. Cette initiative vise à peser ensuite sur les politiques de santé dans d'autres régions du monde. Les auteurs de l'enquête, rendue publique mercredi, ont identifié 49 groupes de pression liés à cette industrie qui investissent près de 14 millions d'euros par an, une hausse de 160 % sur la dernière décennie.
Martin Drago, responsable plaidoyer chez Contre-Feu, a souligné lors d'une conférence de presse que ce budget est probablement sous-estimé et ne tient pas compte des lobbies ne s'étant pas déclarés. Se concentrant principalement sur le registre de transparence, qui recense les entités désirant influencer le processus législatif européen, les organisations ont mis en exergue les stratégies déployées par des géants comme Philip Morris International (PMI).
De 2023 à 2025, l'entreprise a tenu plus de 250 réunions avec des membres du Parlement européen, alors que la Commission européenne n'a rapporté que cinq réunions officielles avec des fabricants de tabac. En scrutant des documents internes, les analystes ont découvert davantage de rencontres avec la direction générale du commerce, suggérant des stratégies de lobbying plus élaborées.
Les liens économiques que l'industrie entretient avec certains États membres, comme l'Italie et la Grèce, lui permettent d’exercer une pression supplémentaire en ralentissant les décisions liées aux directives sur le tabac. "Ces États baissent leurs propres politiques de santé pour protéger leurs intérêts économiques face aux investissements de PMI", avance Drago.
Le rapport déplore que ces tactiques ne se limitent pas à l'Europe : l'industrie tente d'influencer les politiques de pays comme l'Inde, Singapour ou le Mexique par le biais de la direction générale du commerce. Par exemple, après l'interdiction des produits du tabac chauffé en Inde en 2019, PMI a fait appel à l'UE pour intervenir en sa faveur.
PMI cherche également à alléger les règlementations en vigueur à Singapour, au Mexique et au Brésil, utilisant les relations diplomatiques de l'Union pour affaiblir les lois de santé publique locales. Les ONG, dont Contre-Feu, recommandent à l'UE de limiter ces contacts à un strict minimum et de rendre publiques toutes les interactions avec les acteurs du tabac, en réaffirmant son engagement envers la Convention-cadre de l'OMS contre le tabac.
Ces recommandations devraient être intégrées dans les lois et règlements officiels de l'UE sur la transparence, afin de protéger la santé publique contre l'influence préoccupante de l'industrie du tabac.







