Alors que 50 ans se sont écoulés depuis le sommet de son influence, l'Europe se retrouve désormais en position délicate dans le domaine pharmaceutique. La Fédération européenne des industries pharmaceutiques (Efpia) tire la sonnette d'alarme : "Nous étions la pharmacie du monde il y a 50 ans", déclare Nathalie Moll, sa présidente. La réalité est amère, avec une chute de 50 % des essais cliniques enregistrés en une décennie.
Le cadre règlementaire européen récemment approuvé n'offre pas suffisamment de perspectives d'avenir pour inverser cette tendance inquiétante. Mme Moll souligne un inquiétant manque d'innovations destinées à stimuler la recherche. Selon elle, il est temps pour les gouvernements européens de se montrer plus créatifs et proactifs.
"L'Europe ne représente plus que 22,7 % des ventes mondiales de médicaments, alors qu'Amérique du Nord en détient plus de 54 %," affirme Sylvie Matelly, directrice de l'Institut Jacques Delors.
Parallèlement, les États-Unis, sous l'administration actuelle, ont instauré des droits de douane sur les produits de santé pour forcer les entreprises à relocaliser leur production et à investir davantage dans la recherche et développement. Thomas Rapp, professeur d'économie, prévient que ces stratégies pourraient également influencer les marchés européens, imposant des pressions inégalées sur les prix.
Cette dynamique mondiale ne laisse que peu de répit à l'Europe. Avec 81 nouvelles molécules lancées sur le marché en 2024, seulement 18 viennent d'entreprises européennes, tandis que 28 proviennent de la Chine et 25 des États-Unis. L’essor des entreprises pharmaceutiques chinoises, soutenues par des politiques stratégiques, a été particulièrement frappant, entraînant un décalage majeur dans l’innovation pharmaceutique à l’échelle mondiale.
Les experts appellent à une initiative européenne unifiée pour renverser cette tendance. La création d'un mécanisme de négociation des prix au niveau européen pourrait être essentielle, ainsi que la mise en place d'accords de performance pour l'évaluation des médicaments. Thibaut Victor-Michel, président de Novartis France, a averti : "Si nous choisissons de ne pas investir dans le médicament, nous abandonnerons cette souveraineté à d'autres régions." La nécessité d'une réponse collective devient alors impérative.
Malgré tout, certaines bonnes nouvelles persistent. L'Union Européenne continue d'attirer d’importants projets, comme l’investissement récent de 2,6 milliards d’euros d’Eli Lilly aux Pays-Bas, illustrant ainsi que l’UE peut toujours jouer un rôle significatif au sein de cette concurrence acharnée.







