A Arica, une grande ville chilienne située à la frontière nord, les préoccupations liées à l'insécurité et à l'afflux de migrants en situation précaire dominent les discussions à l'approche du second tour de la présidentielle prévu le 14 décembre. Ce scrutin opposera Jeannette Jara, candidate de gauche, à José Antonio Kast, figure emblématique de l'extrême droite qui ambitionne d'expulser les 337 000 étrangers en situation irrégulière présents dans le pays.
Ce dernier, qui est en tête des sondages, serait le premier dirigeant d'extrême droite depuis la fin du régime de Augusto Pinochet, qui a duré de 1973 à 1990. En tant que ville frontalière, Arica est particulièrement touchée par ces enjeux, un fait accentué par sa proximité avec l'une des principales voies de passage du Chili.
Depuis 2020, le nombre de migrants – notamment vénézuéliens – qui passent par ce poste frontière a fait un bond incroyable. En 2018, seulement 200 migrants étaient enregistrés à Arica, contre 5 000 en 2023, selon le Service des migrations chilien. Cette intensification des arrivées, couplée à l'infiltration de bandes criminelles étrangères, a conduit à une explosion d'incidents violents dans la ville, une réalité qu'expriment de plus en plus d'habitants.
Paloma Cortés, une vendeuse de 27 ans, témoigne de cette détérioration. "Avant, on pouvait aller à la plage la nuit et rentrer à pied. Maintenant, ce n'est plus possible". Les membres du Tren de Aragua, une bande criminelle vénézuélienne, ont investi des bâtiments abandonnés, transformant un quartier autrefois paisible en zone de conflit. Son analyse sur l’évolution de la criminalité ne passe pas inaperçue : "On ne vous vole plus juste vos affaires, vous risquez aussi d'être agressé physiquement".
Le taux d'homicides à Arica a explosé, avec une augmentation fulgurante passant de 5,7 pour 100 000 habitants en 2019 à 17,5 en 2022, soit presque le triple de la moyenne nationale. Alfonso Aguayo, un agent de sécurité de 49 ans, souligne que "des crimes comme les assassinats commandités ou les enlèvements étaient inexistants dans le passé".
Bien que des opérations policières aient permis d'amoindrir quelque peu l'influence des bandes, le climat de peur reste omniprésent. En 2022, 31 ressortissants vénézuéliens ainsi que trois Chiliens ont écopé de peines dépassant les 500 ans de prison pour leur implication dans ces organisations criminelles. Cependant, même si le nombre d'homicides a légèrement diminué, il reste supérieur à la moyenne nationale.
Lors du premier tour, les candidats de droite ont remporté environ trois quarts des suffrages à Arica, notamment Franco Parisi, qui prône l'apport de mines antichars aux frontières. Ce vote, motivé par la peur de l'insécurité et les échos de la crise migratoire, cache cependant des réalités plus nuancées. Certains habitants soulignent le rôle crucial des migrants dans l'économie locale. Fermin Burgos, professeur à la retraite, soutient que l'insécurité n'est pas intrinsèquement liée à l'immigration, mais plutôt aux comportements individuels. "Les migrants sont une main-d'œuvre précieuse", insiste-t-il, citant le bon travail effectué par ceux qui se retrouvent dans des situations précaires.
Au Chili, les migrants en situation irrégulière bénéficient d'accès aux soins de santé et que leurs enfants peuvent s'inscrire à l'école publique. Fernair Rondo, 35 ans, vendeuse dans un magasin de spiritueux, exprime son malaise face à l'évolution des mentalités. Elle observe un accroissement de la xénophobie, affirmant que "jusqu'à récemment, il n'y avait pas autant de méfiance". Elle met en lumière l'importance des migrants qui, dans de nombreux secteurs, font preuve d'un travail indispensable, notamment dans le domaine médical où 5,8 % des médecins chiliens sont étrangers. Claudia Villegas, directrice de la santé municipale, insiste sur la contribution de ces professionnels dans une région où les besoins en santé demeurent élevés.







